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Le cauchemar

  • Photo du rédacteur: Gabe
    Gabe
  • 9 juil. 2023
  • 2 min de lecture

Je crois qu’elle aurait voulu avoir les cheveux longs, suffisamment longs pour cacher nos deux mains enlacées sur sa cuisse.

Elle avait honte et peur, surtout : de ce que j’étais, de ceux qui voient.


C’est arrivé à cause de moi !


Ce jour-là, j’ai glissé ma paume dans la sienne, furtivement, par réflexe. L’ordinateur refusait de fonctionner, de l’autre côté du comptoir les gens s’impatientaient. A cet instant, elle a penché la tête en avant, comme pour dissimuler son visage. Je pouvais sentir la douceur de sa peau, les battements de son pouls chaud contre mes doigts.

De l'autre main, nerveusement je martelais les touches d’un clavier hors d’usage, accroupie devant le bureau.

A ma droite, ses jambes serrées, son corps courbé tel une branche de saule.

Le monde paraissait sur elle peser beaucoup trop lourd et, l’assise en équilibre instable sur le bord de sa chaise, le dos électrique, parcouru de soubresauts, elle semblait/donnait l’impression de/me faisait comprendre qu’elle N’allait pas bien du tout.

J’ai continué à pianoter, continué à tenir sa main dans la mienne.

J’étais là (je ne savais pas mieux faire) mais ses joues cramoisies, son expression douloureuse, mon impuissance rendaient la situation suffocante ; dans la file les silhouettes se multipliaient, leurs chuchotis frustrés s’élevaient, graduellement.


Comment répondre ?

Comment satisfaire la demande ?

Comment Être sans veiller cette main qui m’est chère – si lointaine à présent ?

Les bêtes brusquement se déchaînent. Madame Cotte, reine de la basse-cour, s’égosille la première : son livre absent, mes réponses à la voix chevrotante, essoufflée, le manque, le simple manque d’agripper jalousement une vérité payée-tangible déploie ses gestes comme des menaces.

Je ne sais pas comment aider, être utile. Nos corps se détournent, l'étreinte faiblit.


Fauves ! Ne blâmez pas les rêves.

Ne blâmez pas

les coups du sort.

En dépit de l'ignominie, du mépris, des désunions… l’amour subsiste : encore.

©2020 Gwenaëlle Anna B.

©photo Olivia Bee

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