Le drapeau

A la faveur du dispersement de la foule nous nous sommes assises sur les quais, à l’angle de la rue de l’Alma, encore euphoriques de l’atmosphère de la marche. Les confettis et les rumeurs musicales semblaient continuer de flotter dans l’air et j’aurais voulu que cet après-midi soit sans fin, à vrai dire. Vic a sorti les deux bières de son sac en gloussant avant de demander : et ce soir, alors ? Le planète, Le marais, La chatte… ? On n’a que l’embarras du choix !

Je m’apprêtais à lui répondre quand une voix s’est exclamée : Alors, mesdemoiselles... On profite du soleil ? et nous avons toutes deux relevé la tête. Un homme d’une soixantaine d’années, visiblement éméché, nous dévisageait dans le contre-jour. « Vous... » mais sa phrase s’est arrêtée là, alors que ses yeux s’arrêtaient sur le drapeau posé à même le sol entre nous et son regard s’est soudainement voilé. « Gouines de merde ! » a-t-il grimacé mais, désemparée, aucune répartie ne m’est venue à l’esprit. Outré, il a simplement tourné les talons. Au moins, celui-ci est parti.