Le tabac
- Gabe

- 12 déc. 2023
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Son compagnon avait déménagé et pour assurer le loyer, il avait fallu qu’elle trouve un travail, quel qu’il soit. A trois rues de chez elle, un tabac recrutait, alors elle avait appris à se réveiller à cinq heures du matin, à ne pas indéfiniment regarder la lenteur des minutes s’écouler entre deux ventes, tandis qu’elle passait l’essentiel de son temps à tourner sur elle-même, entre les étalages de cigarettes, les boîtes de jeux à gratter et le comptoir. La clientèle était en soi un microcosme, son pays en miniature : ouvrier·es, SDF, cadres, jeunes à peine sorti·es de l’adolescence et tant d’autres s’y succédaient indéfiniment, porté·es par leurs addictions, les rêves dorés que galvanisait une richesse imaginaire, parfois seulement d’une envie de discuter maladroite, inassumée. De son appartement à cet emploi et au supermarché, c’était un même cercle qui se dessinait, le tourbillon d’une vie en vase-clos qu’elle ne maîtrisait plus, qui ne lui laissait pas même un espace à rêver, elle qui ne fumait pas, ne jouait pas, ne parlait plus mais déjà il était cinq heures : il fallait bien se lever.